Réflexion...




Vivre, c'est s'adapter




Ce matin même, alors que le jour se levait à peine, un intime partait à l’étranger pour un séjour de quelques mois. Nous avons éprouvé, de part et d’autre, un serrement au niveau du plexus solaire et de la gorge. Un stress. C’est l’effet du changement. La nécessité de s’adapter.




Le changement est renouvellement, certes. Mais aussi rupture. Le changement est stimulation, mais il suppose toujours une certaine insécurité.

Il n’y a guère que le sein de la mère que l’on perçoit comme le lieu de la sécurité. Mais, même dans le sein de la mère, la sécurité est illusoire. S’il est un lieu où le changement est systématique, c’est bien là... De la conception à la naissance, le changement est pour ainsi dire de l’ordre de l’absolu. Il est vrai qu’on n’en a pas conscience.

Le changement appelle l’adaptation. Vivre c’est s’adapter au changement auquel on est soumis à chaque instant. L’organisme est essentiellement un système d’adaptation. Rien qui ne soit stable. Il faut avancer en passant d’un état à un autre : avancer comme sur un fil en s’employant à garder son équilibre.

Cesser de s’adapter, c’est mourir.

À chaque instant, je ne suis pas le même. Et les autres, pas davantage. Il faut aller avec. À chaque instant, le monde change. Il faut aller avec. Il arrive que, sur le coup, on résiste. On en vient parfois à éprouver une fatigue, une lassitude à devoir s’adapter sans cesse.

Nous recherchons tous le centre du labyrinthe. Car le centre en nous est stable. Tout tourne autour. Mais le centre est stable. D’où peut-être la résistance au changement : dans l’immobilité, on a l’illusion de se rapprocher du centre.

On se dit aussi parfois : plus ça change, plus c’est pareil. En ce sens peut-être qu’après s’être adapté à un changement d’état, il faudra l’instant d’après – dans un jour, dans un mois, dans un an, selon la nature du changement – s’adapter à nouveau.

La tentation de ne plus avoir à s’adapter au changement relève de l’instinct de mort. Offrir une trop grande résistance, c’est en somme se retourner, regarder derrière soi : c’est prendre le risque d’être changé en statue de sel, de devenir un mort vivant.

La peur de ce qui devient entraîne une rigidité. L’harmonie n’est pas dans l’arrêt, la fixité, mais dans le mouvement.

Aller avec ce qui devient, c’est vivre. C’est aussi se renouveler. Il faut même parfois, pour vivre intensément, créer les conditions du changement. Comme l’artiste s’impose des contraintes qui vont lui permettre de se dépasser. Se trouver dans un nouvel état, une nouvelle situation, de nouvelles conditions, c’est la possibilité qui s’offre d’explorer un nouveau territoire, à l’extérieur dans l’action mais aussi, par répercussion, à l’intérieur de soi.

La résistance à ce qui devient provoque une souffrance, une usure, une fatigue. La non-résistance est un état qui, au contraire, appelle la joie, le plaisir de vivre, d’explorer, de découvrir.

Est-il possible de se définir à la fois dans le changement, le mouvement, ce qui sans cesse devient, se transforme, mais aussi au centre du labyrinthe?

C’est là la question.

Curieusement, ce n’est pas en offrant une résistance au changement que l’on vit l’instant présent, mais plutôt en allant avec le changement. Non pas réagir au changement mais agir dans le changement, je dirais même agir le changement, en être sinon toujours le créateur, du moins le co-créateur. L’adaptation est alors si naturelle qu’elle accompagne le changement, au point d’en faire partie.

La résistance suppose en fait un écartèlement de la conscience, un étirement qui s’étend à la fois dans le passé qui retient et dans l’avenir qui appelle; alors que la non-résistance est comme l’eau, elle épouse tous les méandres de la rivière, tous les accidents de son lit, toutes les anfractuosités.

La non-résistance, c’est l’adaptation-instant. L’instant présent ne peut être vécu que si on le vit sans y penser. Comme si de rien n’était. Car le fait d’y penser suppose un décalage.

L’attitude juste, c’est de faire un avec ce qui devient.






Retour au débutPropos de Jacques Languirand
ayant fait l'objet d'une chronique parue dans
le Guide Ressources, Vol. 08, N° 07, avril 1993



Ainsi parle Jacques Languirand.

Et quand on essaie de s'adapter et que ça ne va pas. (j'allais employer le mot clanche mais on dirait que ce mot n'existe pas pour ce que je veux dire.)

J'exagère un peu, ça va mais...
Y a toujours quelque chose qui grince.
Faire son possible, est-ce qu'on peut ? Sans récrimination ?


Commentaires

ClaudeL a dit…
Passage difficile on dirait?
Ginette a dit…
@Claude:

Je ne dirais pas.
Juste peut-être une sorte d'agacement.
Je crois que dans le fond, vaut mieux rester soi-même tout en évoluant.

Complexe? Non?
ClaudeL a dit…
Devenir soi-même, c'est tout la vie qui y passe!
ClaudeL a dit…
zut "toute"

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