Espedal Tomas: lettre (une tentative)
« Nous écrivons pour nous dévoiler, mais plus nous nous révélons, plus nous nous dissimulons derrière nos mots et nos confessions. Pourquoi suis-je incapable de rester seul ? » p. 34-35.
« Je dois mourir, c’est certain. Je veux vivre,
mais je dois mourir, c’est décidé. Ce n’est pas
moi qui ai pris la décision. Depuis longtemps,
quelque chose en moi veut mourir ; depuis
toujours, d’aussi loin que je m’en souvienne,
quelque chose en moi veut renoncer ; souvent je suis assaillie par ce désir de renoncer,
de m’allonger et disparaître, de cesser d’exister ; je n’en peux plus, me dis-je, je n’en peux
plus de moi, ai-je souvent pensé, mais c’était
avant de tomber malade, et maintenant, alors
que je dois vraiment mourir, je ne veux que
vivre. Je n’ai pas peur de la mort, mais je veux vivre, c’est évident. Or ce n’est plus moi qui
décide, c’est la mort, et la mort a pris sa décision. Elle veut vivre. La mort veut vivre ; pour
que la mort puisse vivre, je dois mourir. Mais
pourquoi maintenant ? Pourquoi en ce moment précis ? Je suis jeune, c’est le printemps,
j’ai deux filles, une maison agréable, un joli
jardin, un bel endroit, pourquoi ici, maintenant, alors que je veux vivre ? » p. 73 Son épouse.
« Mon corps voulait trop de choses, je voulais trop de
choses, on voulait trop de choses pour moi,
la vie voulait trop de choses de moi, mais
d’abord c’était moi qui voulais trop de choses,
ça brûlait en moi, une impatience, une anxiété,
et ce qu’il y avait de pire : je ne savais pas ce
que je voulais. Je voulais tout. Je voulais voyager, mais je voulais plus que ça. Je voulais
aimer, mais je voulais plus que ça, je voulais danser et chanter, mais je voulais plus
que ça, je voulais me marier, j’ai eu deux filles
et j’ai cru que mon corps allait se calmer, mais
il n’en a rien été, il y avait toujours autre chose,
mais quoi ? Pourquoi mon corps ne s’est-il
pas calmé ? Ce n’est que maintenant qu’il se
calme, maintenant c’est mon corps qui décide, pas moi, je veux vivre, mais mon corps
veut mourir. Il en a assez. Il veut la paix. On
dirait que cela ne me concerne pas ; c’est un
pacte entre mon corps et la mort. Que me
reste-t-il encore à décider ? Je ne décide de
rien. » p. 75
« Quand je n'écris pas, je ne suis rien. » p.98
« Je vieillis, me dis-je.
Jamais je n'avais pensé cela, je vieillis.
Je me répète, jamais je n'avais pensé cela. » p. 144
On dit ça. Mais on ne le pense pas vraiment. L'insouciance du jeune âge. On se dit, je vieillirai pas jusqu'à devenir vieux. Et puis on vieillit un peu surpris de vieillir. Heureux quelques fois de vieillir…
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