Robert Lalonde, Le seul instant.
Je viens de finir la lecture de ce livre. Pour moi, Robert Lalonde égale ressourcement. Je sens le cœur qui déborde.
J'écris ici les mots qui me touchent. Quelques fois, ils viennent de lui et d'autres fois non.
Je les consigne ici, car j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque électronique donc je ne peux souligner des pages et des pages.
«Je cherche une clarté qui change tous les mots. La poésie est la langue naturelle de ce que nous sommes sans le savoir.» Joë Bousquet, Lettres à Poisson d'or. p. 36 du livre de R. L.
Ici, ce sont les mots pour le dire de Robert Lalonde qui me plaisent :
«Lune pleine, quasiment déjà la lune rousse de l'équinoxe. Il fait froid d'une perfidie hors saison. L'astre livide navigue laborieusement en brise-nuages. Le cœur se serre : serait-ce déjà la fin de l'été, de mon bonheur ici ? p. 114
LA TOURTERELLE TRAVERSE LE CIEL, lâchant son sifflement de moulinet qui se dévide. La lumière a changé : oblique, rasante, elle allume furtivement les feuillages, à présent d’un vert dur, métallique, annonçant l’embrasement final, le roux, le bronze et le violet d’automne. Et c’est enfin l’été, comme l’année dernière, début septembre. Un alanguissement en retard, qui s’installe tout juste avant de décamper et brûle comme les derniers feux de l’amour, quand l’arrachement approche. C’est poignant et triste et on s’abandonne. Échoué au commencement du naufrage, on se pâme dans le deuil entamé, dans la perte anticipée. Aura-t-on le temps d’apercevoir tout ce qu’on n’a pas découvert encore de la saison béatifique ? Il faudra y mettre cette foi dont Goethe dit qu’elle est « amour de l’invisible, confiance dans l’impossible et dans l’invraisemblable ». Il faudra tâcher de garder ouvert l’œil américain sur lequel déjà retombe une paupière lourde, fatiguée d’avoir battu dans l’attention fiévreuse. Et cela alors que le jardin et les bois s’endorment, que la chatte rêve sur la galerie — peut-être de poursuites trop vite abandonnées —, que le bleu du ciel nous ramène au printemps, laissant traîtreusement croire que le jour va naître, qu’on aura le temps, qu’elle sera longue et foisonnante cette nouvelle saison qui démarre. Mais non, c’est presque fini. On ne le sent pas, mais on le sait. Le cœur devrait se serrer, mais il se dilate, il se laisse abuser. La nécessité a achevé sur terre ce qu’elle avait à accomplir, et s’ouvre un espace céleste où peut-être il est permis de vivre, d’agir, de voir, d’aimer et de parler dans une autre langue, une langue nouvelle qui nous révélerait que nous nous trompons, quoi que nous entreprenions, que les passions sont inutiles, les rêves insensés et les espérances vaines, que tout ce qui depuis toujours nous est demandé, c’est de rester là où nous sommes et d’ouvrir l’œil pour voir tout apparaître sans qu’il nous soit nécessaire de rien faire, de rien décider, de rien espérer. Qu’il ne nous faut pas en rajouter, qu’il faut au contraire en ôter, que le véritable art de vivre est fondé sur de grandes omissions, que l’oubli de notre personnage agité s’impose une fois pour toutes et qu’il règne sur toutes choses une tranquillité qui naît d’un équilibre de forces contraires et égales : énergie infinie et infini repos. Et qu’alors seulement la vision est possible, l’éternité retrouvée, la certitude acquise que l’âme, celle que la tradition platonicienne et chrétienne a coutume de voir comme l’opposée du corps, est de nature physique, comme l’arbre, le fleuve, le torrent, l’oiseau, la chatte, le vent. Je rêve ? Peut-être et peut-être pas. C’est que bientôt il me faudra retourner en ville, où la fameuse vision se cache plus habilement que le soleil derrière les nuages. p. 123-124
Et je comprends tellement Robert Lalonde dans cet article :
http://www.lapresse.ca/arts/livres/201103/13/01-4378825-robert-lalonde-la-creation-a-besoin-du-vide.php
J'écris ici les mots qui me touchent. Quelques fois, ils viennent de lui et d'autres fois non.
Je les consigne ici, car j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque électronique donc je ne peux souligner des pages et des pages.
«Je cherche une clarté qui change tous les mots. La poésie est la langue naturelle de ce que nous sommes sans le savoir.» Joë Bousquet, Lettres à Poisson d'or. p. 36 du livre de R. L.
Ici, ce sont les mots pour le dire de Robert Lalonde qui me plaisent :
«Lune pleine, quasiment déjà la lune rousse de l'équinoxe. Il fait froid d'une perfidie hors saison. L'astre livide navigue laborieusement en brise-nuages. Le cœur se serre : serait-ce déjà la fin de l'été, de mon bonheur ici ? p. 114
LA TOURTERELLE TRAVERSE LE CIEL, lâchant son sifflement de moulinet qui se dévide. La lumière a changé : oblique, rasante, elle allume furtivement les feuillages, à présent d’un vert dur, métallique, annonçant l’embrasement final, le roux, le bronze et le violet d’automne. Et c’est enfin l’été, comme l’année dernière, début septembre. Un alanguissement en retard, qui s’installe tout juste avant de décamper et brûle comme les derniers feux de l’amour, quand l’arrachement approche. C’est poignant et triste et on s’abandonne. Échoué au commencement du naufrage, on se pâme dans le deuil entamé, dans la perte anticipée. Aura-t-on le temps d’apercevoir tout ce qu’on n’a pas découvert encore de la saison béatifique ? Il faudra y mettre cette foi dont Goethe dit qu’elle est « amour de l’invisible, confiance dans l’impossible et dans l’invraisemblable ». Il faudra tâcher de garder ouvert l’œil américain sur lequel déjà retombe une paupière lourde, fatiguée d’avoir battu dans l’attention fiévreuse. Et cela alors que le jardin et les bois s’endorment, que la chatte rêve sur la galerie — peut-être de poursuites trop vite abandonnées —, que le bleu du ciel nous ramène au printemps, laissant traîtreusement croire que le jour va naître, qu’on aura le temps, qu’elle sera longue et foisonnante cette nouvelle saison qui démarre. Mais non, c’est presque fini. On ne le sent pas, mais on le sait. Le cœur devrait se serrer, mais il se dilate, il se laisse abuser. La nécessité a achevé sur terre ce qu’elle avait à accomplir, et s’ouvre un espace céleste où peut-être il est permis de vivre, d’agir, de voir, d’aimer et de parler dans une autre langue, une langue nouvelle qui nous révélerait que nous nous trompons, quoi que nous entreprenions, que les passions sont inutiles, les rêves insensés et les espérances vaines, que tout ce qui depuis toujours nous est demandé, c’est de rester là où nous sommes et d’ouvrir l’œil pour voir tout apparaître sans qu’il nous soit nécessaire de rien faire, de rien décider, de rien espérer. Qu’il ne nous faut pas en rajouter, qu’il faut au contraire en ôter, que le véritable art de vivre est fondé sur de grandes omissions, que l’oubli de notre personnage agité s’impose une fois pour toutes et qu’il règne sur toutes choses une tranquillité qui naît d’un équilibre de forces contraires et égales : énergie infinie et infini repos. Et qu’alors seulement la vision est possible, l’éternité retrouvée, la certitude acquise que l’âme, celle que la tradition platonicienne et chrétienne a coutume de voir comme l’opposée du corps, est de nature physique, comme l’arbre, le fleuve, le torrent, l’oiseau, la chatte, le vent. Je rêve ? Peut-être et peut-être pas. C’est que bientôt il me faudra retourner en ville, où la fameuse vision se cache plus habilement que le soleil derrière les nuages. p. 123-124
Et je comprends tellement Robert Lalonde dans cet article :
http://www.lapresse.ca/arts/livres/201103/13/01-4378825-robert-lalonde-la-creation-a-besoin-du-vide.php
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