Ateliers d'écriture Martin Winckler

 « Écrire, c'est empiler des idées, des fragments de phrase, des résumés, des synopsis; sur le papier et dans la mémoire. Ces empilements ne sont pas inertes: leur accumulation fait naître de nouvelles idées, suggère de nouvelles perspectives, et sert de terreau à des textes. Les fragments, les esquisses, les bribes sont les fondations des nouvelles et des romans à venir. »


En écrivant, je me demande pourquoi je fais la collection des mots des autres. En principe, j'ai une grande collection de mots, éparpillés un peu partout, sans ordre. Quelques-fois, je feuillette mes carnets hétéroclites: calculs, notes de voyage, recettes. Certaines fois, j'oublie même de noter le nom de l'auteur. J'espère que ces mots font naître de nouvelles idées dans mon subconscient.


1er atelier:

Une journée dans la vie d’un lave-vaisselle…

Tu es là depuis peu. Nous t’avons installé sous le comptoir dans la cuisine à la place qui te revient, l’endroit conçu pour toi. Nous avions hâte. Les déménageurs t’ont sorti de la boîte avec précaution. Le maître a dit qu’il t’installerait. Il était habitué, tu étais le troisième. Mais voilà, petite surprise. Pas de câble électrique! Mots de stupéfaction. La Chine et leurs produits. Consommer et jeter. Tout le tralala. Heureusement, le maître a beaucoup de ressources. Le problème fut rapidement réglé. Il fallait ensuite te mettre à niveau. Tu as tes caprices avant même de fonctionner. En tout cas, il a fait du mieux qu’il a pu.

Il fallait maintenant que j’apprenne à te faire fonctionner. Changer mes habitudes. Au premier abord, j’aimais ta configuration. Il me semblait que j’aurais plus de place. J’ai vite constaté qu’il n’en était rien. Tu as deux gicleurs : un au fond et l’autre au milieu. Celui du milieu pose problème. Avant, je n’avais pas à calculer la hauteur des assiettes ou des chaudrons. Maintenant, oui. 

Ta journée ? Répondre aux exigences de tes maîtres quand il s’agit de laver la vaisselle.

Tu me déçois. Que puis-je te dire de plus? On m’avait tellement vanté tes prouesses, ton élégance. On ne pouvait pas trouver mieux ou si peu. Tu n’es pas fiable. Pourtant, il me semble que je n’ai rien laissé au hasard. J’ai essayé de te connaître, de lire entre les lignes, de te comprendre. Tu demeures une énigme. Tu es capricieux, maniaque. Le commun des mortels ne te suffit pas. Tu as besoin d’un expert pour t’exprimer. Ton environnement doit être réglé au quart de tour. Tu ne me permets aucune fantaisie. J’ai connu un de tes confrères qui n’était pas aussi capricieux. Je lui disais ce qu’il avait à faire et c’était fait. Toi, mon pauvre, je dois constamment m’adapter à toi. Tu es mon maître. L’inerte. Le robot. Je ne dois pas te surcharger, rien ne doit dépasser. On dirait que tu es programmé. Qu’une main invisible décide de la place des choses. Vrai, je ne respecte pas toujours la façon de te charger. Est-ce une raison pour me tenir aux aguets. Je ne peux pas te quitter des yeux, ni des oreilles. Tu me chantes plusieurs fois la sérénade pendant ton cycle. Alors je m'approche, qu'est-ce qui ne va pas. Je t'examine, rien ne dépasse. Tout semble correct. Et hop! encore la petite musique. Peut-être qu'il n'y a pas assez d'agent de rinçage. Petit supplément. Mes nerfs! 

Appelons les réparateurs…

Mais le maître n’a pas dit son dernier mot. Après une nuit d’insomnie, il a trouvé la solution : Une petite éclisse de bois pour te stabiliser et de grandes vis.  Et voilà que tu fais ta job sans plus rechigner.


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