La poupée de Kokoschka, Hélène Frédérick

Le premier livre d'une québécoise à Paris.


Quatrième de couverture
: Munich, 1918. Hermine Moos, costumière de théâtre, reçoit du peintre Oskar Kokoschka une étrange commande : fabriquer une poupée grandeur nature à l’image exacte d’Alma Malher, sa maîtresse perdue. Tandis que la marionnette prend corps, sa conceptrice note dans un cahier le trouble que lui inspire cette folle entreprise. D’autant que les exigences du « maître » ne semblent connaître aucune limite…Mais au fil de ce journal intime, l’obsédante créature de chiffon cède bientôt la place à l’autoportrait d’une artiste bohème dans une société allemande entre débâcle et révolution. Et la jeune femme qui se dessine alors, modeste et iconoclaste, solitaire et émancipée, nous entraîne dans le libre dédale de ses désirs les plus insoupçonnés.S’inspirant d’une histoire authentique, La poupée de Kokoschka réinvente sa version secrètement féminine au moyen d’une langue émotive et concrète. Une fiction qui interroge, dans l’acte de création comme dans le pacte amoureux, la monstruosité de tout fantasme de possession.

Mon avis
: J'ai lu ce roman en même temps que je m'instruis sur l'Allemagne, en vue d'un prochain voyage.L'action se passe à Munich en 1918. De Munich, je n'apprends pas grand-chose, sinon que la vie n'était pas facile à cette époque. J'emmagasine aussi des noms de rues. Espérons que je m'en souviendrai si je les croise.
Mais, je peux dire que j'entre un peu en Allemagne par le côté artistique, car je suis curieuse et je ne me contente pas de lire. J'ai cherché à connaître Oskar Kokoschka, dans sa peinture, tout comme le fait Hermine.

Hermine, soucieuse de satisfaire son maître, s'inspire de ses dessins et elle les commente
.
« À mon insu : en regardant les croquis, les portraits, en notant, je prends plaisir à me glisser dans la peau des modèles de K, je leur cède lentement la parole. Ces êtres inconnus se déploient en moi, ils sortent leurs ailes d'un cocon dont je ne soupçonnais pas la présence, enfouie quelque part dans ma chair. » p. 34

K a écrit des lettres (10) à Hermine. Il est très exigeant. Hermine écrira dans son journal:

« Par ces formules troublantes, vous vous appropriez mes mains, ce qui signifie que vous cherchez à évacuer de mes gestes les pensées qui sont les miennes pour savamment les substituer aux vôtres. Je deviens ainsi votre marionnette, la seule "vraie" poupée de l'histoire, celle que l'on manipule pour créer illusion, pour combler un vide, ou du moins temporairement l'oublier. Temporairement. Voilà toute la valeur que vous m'accordez. » p. 156

Travailler sans rien exiger en retour. Espérer et ne pas exiger.

"...je peux sentir ses mains froides et moites dans la gaine de la marionnette que je suis devenue. » p. 164

N'est-ce pas de l'amour? Elle a presque fini la poupée :

« Si je me suis rendue jusqu'à cette étape, mon maître, malgré la révolte devant l'absence de récompense matérielle et ce mur d'impossibilité sur lequel je heurte depuis le début, il me faut faire cet aveu: il s'agit d'une sorte d'amour... Vous avez conquis mon esprit malgré moi, mais aussi mon coeur, ce drôle de muscle dont on ne peut rien contrôler, parfois pour le pire. » p.214



Donc, j'ai voulu en savoir plus et j'ai cherché sur le web les tableaux de K. J'en ai trouvé plusieurs éparpillés un peu partout dans le monde. J'espère en voir en Allemagne, mais la plupart de ses oeuvres se retrouvent maintenant en Suisse.

Surprise! Nous avons un livre: La gravure originale au XXe siècle par Jean Adhemar et il y a dedans une litho de K. : l'espoir mène les faibles (1914).

Alma Malher, m'intrigue aussi. Qui était cette coquine pour inspirer une telle folie?

J'admire beaucoup l'auteure, car j'imagine tout le travail que représente l'acte d'écrire sur chacun des dessins, le choix du point de vue. Il y a aussi le travail de recherche sur l'époque et d'y vivre l'espace d'un livre.

Pour finir un mot d'Anne Hébert:

« Écrire un livre, c'est chaque fois une nouvelle aventure en terre inconnue. Il est bien entendu qu'on ne se sépare jamais de soi-même. Il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir au plus profond de soi qui n'a pas été dit et qui réclame la parole. C'est à la fois jubilatoire et terrifiant."

Hermine dit: « Nous sommes tous sans exception des exilés de l'intérieur."

Peut-être ce livre sera-t-il publié en d'autres langues ?
Je n'en serais pas surprise étant donné l'intérêt suscité par cette poupée de K.

Commentaires

Hélène Frédérick a dit…
Merci beaucoup pour ces impressions. La curiosité était une motivation au cours de l'écriture, curiosité devant l'oeuvre de Kokoschka, et aussi pour cette période de l'histoire allemande incroyablement féconde.
Les mots d'Anne Hébert me parlent aussi beaucoup; je me disais récemment, au fond, j'écris pour connaître. Et j'ajoute aujourd'hui, grâce à cet article, peut-être aussi "pour faire connaître"?
Hélène
Ginette a dit…
@ Hélène Frédérick : en fait, pour son côté recherches ce livre me faisait penser à Maleficium de Martine Desjardins, là s'arrête la comparaison.

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