Le cercle parfait: Pascale Quiviger.

Le cercle parfait: Pascale Quiviger.

Écrit par Clarabel
Mercredi, 08 Novembre 2006 20:46



Vous avez entre les mains un roman d'amour. Une histoire de rencontre entre une femme qui est en voyage en Europe et qui croise cet homme pour qui elle décide de tout quitter, tout vendre au Québec pour retrouver celui pour qui son cœur bat à cadences folles.

Cette femme s'appelle Marianne, l'objet de son amour est Marco, italien, célibataire, éleveur de chiens, chasseur de canards. Marianne vient vivre dans ce petit village perdu de l'Italie, elle ne travaille plus, elle vit dans cette attente de lui. Au temps qui passe, s'installe l'ennui, puis la haine et la destruction. Marianne plonge dans une mélancolie dépressive (ou inversement), elle n'a plus qu'une idée en tête : partir.

Celles qui ont aimé un caractère latin comprendront... le charme ténébreux, silencieux et distant, indépendant mais lié à la mama (surtout par la table)... "Marco patrouille son village depuis des années. Dans son lit passent des voyageuses, mais aucune d'entre elles n'acceptera d'épouser son village, sa mère, ses dizaines d'oncles et de cousines, précisément parce que ce sont des voyageuses. Marco est entier, il les laisse partir, il en garde le souvenir comme d'une brûlure bénigne, sachant d'avance que son étrange façon d'être à la fois une racine et une feuille l'empêchera toujours de partir avec elles."

Voilà d'où s'explique le titre du roman : "Le cercle parfait. La vie ronde de Marco. Etanche comme un œuf. L'univers à l'échelle d'un village dont on ne sort jamais." Et Pascale Quiviger raconte cette magnifique histoire d'amour, même si elle est diantrement ordinaire et de celles qu'on vit tous les jours, pourtant c'est aussi ces histoires-là qui nous nourrissent et nous poussent. Il y a dans ce livre des passages sublimes sur les sentiments amoureux, sur l'acte de tomber en amour, sur l'espoir et l'attente, puis le vide qui gratte à la porte pour creuser son nid dans le cœur de l'amante... C'est stupéfiant ! Si je décidais de reproduire quelques-uns de ces extraits, il me faudrait des pages pour tous les consigner ! ... Lisez ce livre, vous comprendrez !

Il y a de la poésie, de l'instinct et paradoxalement il y a de l'acuité dans le regard de la narratrice, celle qu'on ne trompe pas et qui pressent l'échec de sa belle histoire d'amour. Et l'humour, aussi, ne l'oublions pas, quand Marianne affronte sa belle-mère autour de repas gargantuesques... Ah, j'allais omettre de citer le 3ème personnage du roman : l'Italie, belle, somptueuse, implacable et fascinante, celle aux "voix secrètes de vêpres", celle au dimanche rose et pâle sur une place baignée de soleil, celle de Giotto, des câpres sauvages poussant sur les murs, etc. "L'Italie est parsemée de lieux de prière et de vengeance, d'art et de pouvoir".

En voilà un roman qui se découvre à chaque effeuillage ! Note de conclusion : "Le bonheur exige la rupture des cercles parfaits." Point.



Ce livre me poursuit. Je l'ai lu et je le relis. Très rare par les temps qui courent. Pourquoi?
D'abord, j'aime beaucoup l'écriture, le choix des mots. Ils sortent de la banalité. Et disons-le, cette écriture ressemble un peu à la mienne.
Et puis comme le dit l'article plus haut, il traduit des sentiments qui peuvent arriver à tout le monde, qui arrivent à tout le monde pas besoin d'avoir un vécu, des expériences de guerre, comme les romanciers de la vieille Europe peuvent en avoir et qui me donnent souvent l'impression de n'avoir rien vécu, de n'avoir rien à dire.
C'est une vie simple, un combat de tous les jours.
Dans certain petits passages, elle me fait penser à Bobin dans son meilleur.
Et les descriptions, moi qui passent par dessus quand c'est trop long, mais pas celles-là. J'ai même envie de les relire. Pourtant au début,
je n'arrivais pas à comprendre le pourquoi des 33 premières pages. J'ai même failli abandonner. Je les relis. Et je crois que c'est pour expliquer en quelque sorte comment tout est arrivé, comment on en arrive là. Enfin je crois... Comme une mise en scène. Je me demande aussi pourquoi elle raconte avec le vous.


Quelques citations:
J'ai un peu mal à la tête. Je pense que ma tête manque d'espace de rangement. S'il y avait un tiroir de plus, je t'y coucherais, avec tes chiens, ta mère et les figues, j'y ferais se coucher pour de bon le soleil éternel de chez toi et je fermerais le tiroir, je le fermerais à clef.

La fatigue vient de l'échec du rêve.

...il n'y peut-être pas d'autre sens à l'existence que le simple fait d'exister.





Autre livre et que je n'ai pas encore lu mais que je vais certainement lire.

Publié le 03 septembre 2008 à 14h44
| Mis à jour le 03 septembre 2008 à 14h52

Pascale Quiviger : mer courage

Pascale <span class=Quiviger : mer courage">

Agrandir

Pascale Quiviger

Photo: Rémi Lemée, La Presse

Sylvie St-Jacques
La Presse

Lauréate du prix du Gouverneur général et finaliste au Giller's (pour Le Cercle parfait', paru en 2003), mère d'une petite fille, nouvellement établie en Angleterre, artiste-peintre exilée en Italie pendant 10 ans, Pascale Quiviger a la citoyenneté et l'identité plurielles.

À Montréal pour une «visite familiale», elle a rencontré La Presse la semaine dernière pour parler de son dernier roman, La maison des temps rompus.

Quelques jours avant ma rencontre avec Pascale Quiviger, l'attachée de presse m'informe qu'elle est très aimable et qu'elle sera ravie de parler de son livre. Seulement voilà: on me précise aussi que Mme Quiviger préfère éviter les questions personnelles. Une consigne qui, évidemment, pique ma curiosité. Quelques clics sur Google plus tard, je découvre qu'elle est mariée à un politicien bien en vue du Labour Party.

Mais fermons le carnet mondain et attardons-nous à une dimension beaucoup plus passionnante de Pascale Quiviger: son rapport à la création. Écrire, pour elle, s'apparente à une méditation, à l'écoute d'une voix intérieure.

«Dans mon cas, écrire est toujours une improvisation. Je ne sais absolument pas où ça s'en va ni comment les personnages vont s'incarner. Ils m'apparaissent avec leurs visages, leurs inquiétudes, comme si j'avais à les interroger. Si j'avais un plan en partant, j'aurais l'impression de faire de la peinture à numéros.»

Il y a 10 ans, l'auteure est partie pour l'Italie, financée par une bourse d'estampes. À la fin de son séjour, elle a jeté son billet de retour. Elle a enseigné les arts visuels au pays de Modigliani, qu'elle a quitté en janvier dernier pour s'installer à Nottingham, en Angleterre. «J'ai essayé, en vain, d'avoir deux vies», s'amuse-t-elle.

Elle dit travailler en jachère: la peinture vient nourrir l'écriture lorsque les mots ne viennent pas. Et vice-versa. «Quand j'étais petite, on m'a dit que je devrais choisir. Mais j'ai toujours l'impression d'être tiraillée entre la peinture et l'écriture: comme si j'avais deux enfants et que, si je m'occupais de l'un d'entre eux, je négligeais l'autre.»

En fin de compte, les deux formes d'expression se nourrissent et se contaminent. «Je vois La maison des temps rompus comme un tableau abstrait, comme un diptyque qui serait uni par la couleur. En fait, je pense que cette organisation vient du fait que j'improvise, que j'écris par fragments.»

Le salut dans l'exil

Le «projet vague» qui a mené à l'écriture de La maison des temps rompus a pris racine au moment où Pascale Quiviger était enceinte d'Élie, aujourd'hui âgée de deux ans et demi. «C'est probablement pour cela que mon roman est si féminin», admet-elle.

À travers ses personnages d'amies, de mères, de soeurs, d'aides, qui vivent toutes des difficultés, Quiviger a voulu parler de la façon dont les individus font face aux épreuves et se soutiennent. En d'autres termes, mettre en lumière le courage quotidien, qui fait contraste avec le sanglant, le sensationnel et tout ce qui fait de bonnes manchettes dans les journaux. «Je voulais aller dans la simplicité, parler du courage que ça prend pour se lever le matin.»

La mer est omniprésente dans l'écriture sobre et imagée de Quiviger, qui a construit son roman en cinq «cahiers». Le récit débute par l'exil d'une femme anonyme dans une maison idyllique en bordure de l'océan. Un espace entre la folie et le réel, qui traduit le besoin du personnage de créer de l'espoir, pour assurer sa survie. «Moi-même, je n'ai pas résolu le problème de savoir si la maison existait ou pas. Comme si je m'ouvrais à la possibilité d'une dimension parallèle.»

Elle confie que, pour elle, l'exil est devenu un mode de vie qui lui offre un recul intéressant pour sa création. «L'exil m'a permis de faire fondre les frontières et le sens de l'appartenance. Après 10 ans, je reviens ici et, même si beaucoup de choses me sont familières, j'ai une distance. Bien que je sois attachée au Québec, je ne peux pas dire que je prends part aux problématiques d'ici, comme je l'aurais fait autrefois. Ma façon d'être citoyenne est plus globale et liée à des enjeux planétaires: la cause environnementale, l'économie mondiale qui fonce dans un mur, le fait que l'on doive appeler à des solidarités plus vastes que celles d'une petite nation.»

LA MAISON DES TEMPS ROMPUS

Pascale Quiviger, Éditions Boréal, 238 pages.






Commentaires

Véronique a dit…
Les premiers mots m'ont retenue. C'est bien intrigant. Cette attente, il me semble l'avoir vécu et cette rage aussi. Il faudrait que je lise, pour voir.

(J'ai aussi un peu l'impression que, finalement, ouais, je n'aurai vraiment rien à dire de nouveau.)
Ginette a dit…
Peut-être cette attente et cette rage mais pour le reste, je ne crois pas.
Tout se passe dans un petit village d'Italie avec la petite mentalité que l'on connait surtout par les films. Elle ne peut même pas être un peu anonyme.

Et lui est très égoïste un égoïsme ascétique comme elle dit.
"Ta solitude est royale, tu n'engages pas ta parole. Tu pardonnes quelques fois, mais ne demandes jamais pardon. tu es grandiose, mais séparé du reste des hommes, et de ce qui, en toi, demande à les connaître. Tu ne connais personne. Personne ne te connaît. Sauf tes chiens. Sauf l'écho du fusil en novembre."

Je crois que je vais m'acheter ce livre.
Hélène a dit…
Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un "vécu". D'ailleurs, comment évaluer ce qui tient d'un vécu intéressant (susceptible de donner une histoire entre guillemets intéressante) de ce qui n'en tient pas? Je pense qu'au-delà du vécu, c'est la réflexion qui est essentielle, et la sensibilité. Ce que nous avons toutes les trois, si je puis me permettre. Je connais de près (si on peut connaître de près quelqu'un) un écrivain qui a un vécu plutôt mince (si on calcule le vécu comme une somme d'expériences rocambolesques), et qui a pourtant beaucoup de choses à dire. N'est-ce pas notre cas, puisque nous réfléchissons tant, que nous nous penchons sur tant de choses, tant de sentiments, d'observations, à notre façon, qui est unique?

Messages les plus consultés de ce blogue

lettre inutile à Christian Bobin.

Michel Pleau : Une auberge où personne ne s'arrête

Beigbeder en bleu de mer